Immobilier – « Les acquéreurs ont besoin d’être rassurés »
Après trois années post-confinement marquées par une insolente vitalité, le marché immobilier du Pays royannais est en stagnation. Elise Tentenier, responsable depuis 9 ans de l’agence Century 21 Grand Large qui couvre l’ensemble du territoire, revient avec nous sur le tournant du dernier trimestre 2022, les caractéristiques de l’offre et de la demande, et sur les perspectives du marché immobilier local.
La Côte de Beauté – Comment qualifiez-vous le marché de l’immobilier en Pays royannais en 2023 ?
Elise Tentenier – Nous sommes toujours sur un marché en flux tendu. La raréfaction des biens qui était l’une des caractéristiques des années passées est cependant bien moins prégnante, les stocks de biens commencent à remonter. On observe aussi un ralentissement des ventes en cascade. Après trois exercices exceptionnels, le marché tend vers une stagnation.
La bulle liée à la crise sanitaire est-elle bel et bien terminée ?
Oui, ce furent trois années exceptionnelles voire déroutantes car le métier avait changé. La crise sanitaire, les confinements ont surmultiplié l’attractivité des régions littorales et du Pays royannais qui – grâce à des prix moins inaccessibles que sur le secteur de La Rochelle, le bassin d’Arcachon ou la côte Basque – a vraiment connu une ruée sur les biens.
Quand a eu lieu cette bascule ?
Au dernier trimestre 2022. C’est là que nous avons commencé à ressentir un vrai ralentissement. Ceci dû à une conjonction de plusieurs facteurs : l’évolution rapide des taux de crédit qui ont plus que doublé en un an (passant de 1,07 % en moyenne en janvier à 2,25 % en novembre). Parallèlement, le taux d’usure, qui s’est ajusté avec retard, a rendu automatiquement inéligibles certains dossiers de crédit. Il y a aussi la guerre en Ukraine qui a eu notamment pour conséquence une hausse des prix de l’énergie. L’inflation généralisée et notamment celle qui touche le prix des matériaux a fortement impacté le marché, surtout les biens à rénover.
Vous évoquiez plus haut une bascule dans le métier d’agent immobilier.
Durant ces trois années, c’est le vendeur qui fixait le prix et le bien partait. On ne maîtrisait plus rien. L’offre et la demande étaient extrêmement tendues. Aujourd’hui, on a retrouvé l’essence de notre métier.
C’est-à-dire ?
Nous sommes redevenus des négociateurs, en cela le métier a repris sa vraie valeur. On est là pour raisonner des propriétaires qui n’ont pas compris qu’il y avait eu un basculement du marché.
Cela signifie-t-il que vous devez faire un travail de pédagogie auprès de vos clients ?
C’est complètement ça. Durant les trois années fastes, les biens partaient parfois en moins d’une semaine et à n’importe quel prix. Les délais de vente moyens sont aujourd’hui remontés à 90 jours. Et cela est souvent causé par des propriétaires beaucoup trop gourmands. Ils n’ont pas pris conscience du changement de visage du marché immobilier en Pays royannais. Ils veulent continuer à surfer sur une vague qui n’existe plus. Régulièrement, je dois expliquer aux vendeurs qu’un bien à un prix surestimé ne partira pas.
L’attitude des acquéreurs a-t-elle aussi changé ?
Oui, ils sont beaucoup plus vigilants. Ils visitent, revisitent, réfléchissent… Le contraste est très important avec les années précédentes où le temps de la réflexion était quelque peu passé à la trappe. On perçoit de l’inquiétude aussi chez les acquéreurs. Ils ont souvent besoin d’être rassurés. Quand il s’agit d’un bien « clé en main » il n’y a aucun souci mais dès qu’il y a des travaux à réaliser, l’inquiétude est là en raison du coût des matériaux et du manque de disponibilité des artisans.
Quid du prix de l’immobilier ? Y a-t-il eu également une bascule ?
On assiste à une stabilisation voire une légère baisse des prix. En même temps, les prix ont tellement flambé pendant les trois fameuses années – une hausse moyenne d’environ 20% – qu’il fallait que cela stoppe. En Pays royannais, on observe quand même une demande et des prix qui continuent à augmenter sur des communes comme Saint-Sulpice-de-Royan ou Saujon.
La typologie des clients a-t-elle changé ?
Le territoire reste plébiscité par les retraités. Ils représentent, en 2023, 55,6% de notre clientèle. En revanche, il y a eu un changement que l’on a observé dans nos statistiques. En 2022, 60% des achats de biens concernaient l’acquisition de sa résidence principale et, entre janvier et fin mai 2023, cette donnée tombe à 33%. La part d’achat de résidences secondaires a fortement grimpé.
Comment l’expliquez-vous ?
À la sortie du Covid, beaucoup de personnes ont souhaité quitter les grandes métropoles pour s’installer sur le littoral, entre autres en Pays royannais, pour être au bord de la mer et avoir accès à des biens moins chers. On a constaté que parmi les personnes qui avaient franchi le pas et s’étaient installées en Pays royannais, certaines avaient revendu leur bien au bout d’un ou deux ans faute d’avoir réussi à s’intégrer.
Quelles sont les perspectives d’évolution du marché ?
C’est évidemment difficile à dire avec certitude mais on va probablement vers une stabilisation.