Histoire - N°75 - Mars/Avril 2005

La libération de la poche de Royan

Les combats pour la libération de la poche de Royan se déroulèrent du 14 au 18 avril 1945 et se conclurent par la victoire des forces françaises appuyées par les bombardiers alliés. Ces combats meurtriers, inutiles à trois semaines de la capitulation de l'Allemagne, mettaient fin à quatre ans d'occupation. Récit de Guy Binot.

 

Les troupes allemandes occupent Royan depuis le dimanche 23 juin 1940 à 17 h. Dès le début, la ville – verrou de la Gironde et lieu de repos – connaît une situation atypique de ville trop fortement occupée, c’est une immense caserne où les occupants sont aussi nombreux que les Royannais et les seuls à fournir du travail. Dès la création du mur de l’Atlantique en mars 1942, l’Organisation Todt couvre la presqu’île d’Arvert de blockhaus en béton. Puis en janvier 1944 des forteresses côtières sont créées dont une à Royan. Quand les Allemands évacuent le Sud-Ouest de la France, en août 1944, ils conservent ces forteresses qui deviennent les «poches de l’Atlantique».

Les maquisards du Sud-Ouest libèrent la région et les Allemands sont finalement encerclés dans la poche par 7 000 maquisards des Forces françaises de I’Intérieur, les FFI, du colonel Adeline, soit les groupements Z, RAC et Roland de l’Armée secrète gaulliste de Dordogne et Bernard des FTPF communistes de Charente. Mal armés, ils ne peuvent percer les puissantes défenses de l’ennemi. Adeline décide de ne pas dépasser, comme limites de la poche, la Seudre, le sud de Saujon et Meschers.

Dès le 12 septembre 1944, l’état de siège est décrété pour les 8 000 civils pris au piège. Peu à peu, les conditions de vie des «empochés» deviennent aussi rudimentaires que celles d’une forteresse assiégée du Moyen Age, il n’y a plus aucun transport collectif, pas même de vélos, réquisitionnés par l’ennemi, il n’y a plus de gaz, ni d’eau courante, ni d’électricité, et aucun autre moyen de s’éclairer la nuit. Les vieilles cuisinières au bois servent pour la cuisine, le chauffage est restreint à cette cuisine, l’eau est tirée des anciens puits. Tout le monde se lève et se couche avec le soleil, aussi les soirées sont longues car il est impossible de sortir à cause du couvre-feu. Seules les rumeurs circulent en l’absence de radio, de journaux et de tout courrier.

Alors que les Alliés se désintéressent des poches de l’Atlantique pour porter tous leurs efforts sur l’Allemagne, le 18 septembre, le général de Gaulle à Saintes confirme le colonel Adeline à son poste et décide immédiatement de réduire les poches de l’Atlantique par la force, en commençant par Royan, pour obtenir une victoire française sur notre sol. L’attaque doit être faite uniquement par des fantassins français mais de Gaulle promet de l’artillerie, des chars et des avions alliés. Enfin il donne l’ordre de surseoir à tout bombardement aérien non justifié par quelque incartade de l’ennemi. Royan est sans doute choisi car la garnison ennemie est la plus faible de toutes les poches et que le patrimoine de la ville n’est pas aussi important que celui de La Rochelle par exemple.

 

Défenses allemandes

 

La forteresse est commandée par le colonel Pohlman qui dispose d’une artillerie importante, de 5 000 hommes, encadrés par 106 officiers, mais il n’a ni chars, ni aviation, ni essence. Les côtes sont défendues par 218 ouvrages bétonnés entre Ronce et Suzac tournés vers la mer, et le front de la Seudre, protégé par les marais, est défendu par les marins du bataillon Tirpitz rescapés des navires coulés en rade de Royan en août. Pour verrouiller leur point faible entre Meschers et la Seudre, trois centres de défense principaux entourent Royan, à Jaffe, Belmont et Vaux avec de nombreux bunkers fortement armés. Par manque de ciment, les points d’appui enterrés pour les mitrailleuses, les Tobrouks, sont de simples tourelles cuirassées. En outre, toutes les plages sont obstruées par des défenses anti-tanks, et 1 229 hectares sont minés, avec 180 000 mines antipersonnel et 35 000 mines antichars.

Les tentatives de médiation pour une reddition n’aboutissent pas mais l’épineux problème des combattants sans uniformes est réglé. Les FFI sont reconnus, et traités comme prisonniers de guerre – en dépit des ordres du haut commandement allemand qui les considère comme des terroristes à fusiller – à la condition de porter un brassard tricolore cousu au bras gauche, comme signe distinctif, en attendant des uniformes.

Le 14 octobre 1944, de Gaulle nomme le général de corps d’armée Edgard de Larminat commandant le Détachement d’armée de l’Atlantique pour libérer les poches côtières au sud de la Loire. Ce général non conformiste est, d’après le général Catroux, instable et sujet à des crises physiologiques qui lui font «perdre son sang-froid, la lucidité de son raisonnement et le contrôle de ses actes» et font qu’il «n’est pas employable». Cela n’empêche nullement de Gaulle de l’affecter à ce poste en fonction de son glorieux passé. Ce baroudeur, chef prestigieux qui s’est battu en Syrie et à El-Alamein, est vite accepté par les FFI, assisté par le général d'Anselme, il dépend du général américain Devers de la VIe Armée. Le fringant aviateur Corniglion-Molinier, ami de Malraux, ancien commandant des Forces aériennes françaises libres au Moyen-Orient et en Angleterre, est promu général pour diriger les Forces aériennes de l’Atlantique, les FFA, et réside à Cognac. Son supérieur hiérarchique est le général américain Ralph Royce commandant la First Tactical Air Force basée à Vittel.

Larminat transforme les FFI en Forces françaises du Sud-Ouest, FFSO, dirigées par Adeline, qui conserve la responsabilité du secteur de Royan avec le groupement Z à Talmont, Bernard devant Médis, RAC à Saujon, Armagnac devant Mornac et Roland à Marennes. Dans son rapport à son nouveau chef, Adeline demande, avant toute attaque, des bombardements massifs par l’aviation alliée pour écraser les défenses ennemies, il n’envisage l’action des troupes FFI, mal encadrées et peu aguerries, que pour occuper le terrain derrière les blindés.

Dans ses Chroniques irrévérencieuses, d’un humour cruel, Larminat admire la bravoure et la témérité de ses FFI tout en déplorant quelques éléments vicieux. Par contre, il apprécie peu l’encadrement, boudé par le corps des officiers, trouve ceux du maquis parfois excellents, mais trop souvent des caïds en tous genres. Très grand seigneur, il s’impose à ces derniers en les invitant en grande pompe à sa résidence de Cognac, la maison Hennessy. Il brosse un portrait féroce des habitants de la région, trop ramollis, et n’est pas tendre pour Adeline et pour l’officier de l’armée d’armistice Meyer dont les seuls services de guerre se ramenaient au sabordage de son bâtiment à Toulon. Curieusement, ces deux hommes lui rendront cependant un réel hommage dans leurs mémoires.

 

L’évacuation des civils

 

Les Français et les Allemands souhaitent faire la guerre sans être gênés par des civils, aussi un accord a lieu le 8 octobre 1944 pour évacuer 8 000 «bouches inutiles» civiles, dont 4 000 à Royan et 4 000 dans la presqu’île d’Arvert. Adeline informe les résistants qu’ils doivent quitter Royan qui sera attaqué. Cette information ne peut que rester confidentielle et ceux qui sont dans la confidence n’y croient pas, une opération militaire semble inutile alors que la fin de la guerre paraît si proche et l’idée d’un bombardement massif n’effleure personne. Les habitants ne ressentent pas le moins du monde l’urgence de quitter leurs maisons, surtout les plus âgés, au moment où les villas vides sont pillées. Partir est un saut dans l’inconnu car l’important est alors de se nourrir et on le fait beaucoup mieux dans une région où l’on connaît bien les commerçants et où beaucoup ont un jardin. Partir, c’est se retrouver dans un environnement inconnu, sinon hostile, car la famine perdure dans toute la France. Partir, c’est quitter la sécurité de son cadre de vie pour une aventure risquée. Ils ne partent que contraints et forcés par «ordre des troupes d’occupation», toujours ressenti comme une véritable catastrophe. De leur côté, les FFI estiment inadmissible que des habitants veuillent rester «avec leurs Boches». A cause de cette grave incompréhension, les forces françaises ne prennent plus en considération la population civile restante, considérée comme une bande de collaborateurs. Pourtant, le Conseil national de la Résistance citera seulement 143 personnes recherchées pour collaboration, dont 26 membres de la Gestapo et 36 miliciens. Cette hostilité stupide est récusée par nos concitoyens en zone libre, un membre du Comité départemental de Libération fait part de son entier soutien à ceux qui, au milieu des privations et de l’isolement, «restent attachés à leurs biens, leurs souvenirs, et voudraient sauvegarder ce patrimoine, fruit parfois de toute une vie de travail, car ils savent que partir signifie le pillage, la perte irrémédiable de tout ce qu’ils possèdent». Les expulsés d’office reçoivent 750 francs par personne, ont droit à une seule valise et portent tous leurs vêtements sur eux, ils embarquent tristement à la mairie sur des camions allemands jusqu’à Médis.

A Médis, ils traversent à pied le no man’s land pour rejoindre un train français qui les emmène vers leur lieu d’évacuation, où ils ne sont pas toujours accueillis avec la plus grande cordialité. C’est pire pour trois villages des avant-postes dont les habitants, expulsés sans préavis début novembre, rejoignent les lignes françaises sous la mitraille, et pour La Tremblade qui évacue sous la menace des fusils.

En novembre, Paul Bouchet, chef de la résistance intérieure, et quatre autres résistants sont arrêtés et condamnés à mort. Aussitôt Adeline intervient, avec succès, auprès de l'amiral Michaelles, commandant les forces allemandes, pour qu’ils ne soient pas exécutés, mais incarcérés à la villa Déli, avenue de Pontaillac, transformée en fortin.

L’état-major allié se satisfait de ce que les FFI contiennent les forces allemandes encerclées, mais de Gaulle réussit à le convaincre d’attaquer rapidement Royan. L’opération Indépendance est prévue pour le 25 novembre, repoussée au 25 décembre, puis au 10 janvier. Les FFI, renforcées par des maquisards du Gers et des Hautes-Pyrénées, atteignent 11 000 hommes, et les premiers blindés quittent l’Est de la France pour Royan le 29 novembre. Mais l’opération est annulée suite à la contre-offensive allemande des Ardennes du 16 décembre, et les blindés repartent aussitôt. Le front de l’Ouest ou de l’Atlantique connaît une guerre de positions avec quelques coups de main. Nos soldats en guenilles et en sabots s’ennuient et mènent une bataille de canards dans l’eau glacée des marais au milieu d’une effroyable pénurie. Pieds gelés, gale, fièvres, tumeurs et maladies pulmonaires ne sont pas rares et les médicaments manquent autant que les vivres. Les hommes se qualifient eux-mêmes par dérision les «Forces françaises oubliées». Le 2 janvier, une rencontre a lieu près de Meschers entre le commandant Meyer et le colonel Seim, adjoint de Michahelles, afin de négocier la grâce des Royannais condamnés à mort, ce qui est obtenu. Seim propose d’étendre à Royan les accords de La Rochelle qui prévoient un statu quo jusqu’à la fin de la guerre, avec libre passage en Gironde de navires ne transportant ni troupes, ni matériel militaire. Meyer transmet cette information capitale au général d’Anselme, mais elle n’a pas de suite car il ne peut frustrer d’un combat ardemment désiré, et d’une victoire certaine, ses troupes qui piaffent, l’arme au pied, depuis des mois. Larminat – qui juge les accords de La Rochelle inutiles, puérils, ni glorieux, ni efficaces –accuse Meyer de naïveté dans cette affaire car Michahelles, sans prendre le risque de se faire relever, ne peut permettre la réouverture du port de Bordeaux qu’il est justement chargé d’empêcher.

Le matin du 5 janvier 1945, deux vagues de bombardiers Lancaster de la Royal Air Force attaquent Royan entre 4 h et 5 h 43. La cible est bien la ville elle-même et tout ce qui a pu être dit ou écrit sur une erreur d’objectif aux causes les plus diverses est sans le moindre fondement. Royan est rayée de la carte (CB n° 74).

 

L’opération de libération «Vénérable»

 

Tout le monde s’attend à une attaque terrestre immédiate, mais rien ne vient. Une trêve de dix jours permet l’arrivée d’une colonne sanitaire française pour évacuer les grands blessés et certains survivants, ce qui neutralise, sous un froid sibérien, la plus grande partie de janvier. La guerre de position reprend avec ses coups de main. Le général de Gaulle n’admet toujours pas que des unités allemandes puissent rester invaincues à nous narguer, aussi, au moment où la fin de la guerre approche, c’est lui qui hâte la décision de relancer l’offensive, rebaptisée Vénérable, pour le dimanche 15 avril. Pour les Alliés, cette opération – au moment où les Russes sont prêts à l’assaut final contre Berlin et les Alliés sur l’Elbe à moins de 200 kilomètres d’eux – n’est entreprise qu’à la demande des Français. A l’époque, ce n’était pas une décision illogique, notre prestige militaire n’étant pas au plus haut. Larminat dissout les Forces françaises de l’Ouest afin que l’attaque soit uniquement menée par des unités régulières et non par des maquisards, ils deviennent les 50e, 107e et 158e régiments d’infanterie et le 12e régiment d’artillerie. Pour une telle opération de prestige, de Gaulle et les Alliés veulent une victoire certaine, aussi Larminat reçoit tout l’appui nécessaire, soit 30 400 hommes, dont un tiers de troupes du Maghreb. La division de marche Gironde de 23 700 hommes, aux ordres du général d’Anselme, attaquera directement Royan, la brigade de marche Oleron de 6 700 hommes, aux ordres du général Marchand, débarquera sur la rive gauche de la Seudre. Ils sont appuyés par 200 chars de la division Leclerc, 250 pièces d’artillerie FFI et américaines, deux bataillons du Génie, l’imposante escadre de la French Naval Task Force, la FNTF de l’amiral Rue avec 25 bâtiments, dont le cuirassé La Lorraine et le croiseur Duquesne, précédée par la 31e flottille canadienne de sept dragueurs de mines pour nettoyer l’estuaire. Les Forces françaises sont aidées par 1 200 forteresses volantes et B26 Marauders de la 8e Air Force du général Doyle, montés par 8 000 aviateurs, plus nombreux que les défenseurs allemands au sol. Dans son ordre du jour du vendredi 13 avril, Larminat déclare : «Soldats FFI montrez à la France que vous savez vaincre dans une bataille en règle», puis il dénonce les accords avec l’amiral Schirlitz à La Rochelle afin de laisser celui-ci libre de secourir Royan. L’opération Vénérable débute le samedi 14 avril par la prise de tous les avant-postes, 1 150 bombardiers américains larguent 3 000 tonnes de bombes sur le réduit. L’attaque de rupture est déclenchée le dimanche 15 avril après une intense préparation d’artillerie. 1 350 bombardiers déversent 4 000 tonnes de bombes, Vaux est partiellement détruit et Maurice Garnier est tué en pleine action de résistance. Les Américains bombardent le réduit de Royan avec 725 000 litres de napalm, nouveau liquide incendiaire expérimenté pour la première fois. Le résultat est décevant, les blockhaus ne sont pas détruits, mais spectaculaire, car c’est une vision dantesque. La terre, le sol même flambent. Les ruines de Royan ne sont plus qu’un infernal amas de pierres calcinées et de ferrailles tordues. Après le déminage par les résistants français qui ouvre la voie aux blindés de la 2e DB, et un pilonnage par la flotte de haute mer et par 210 pièces d’artillerie sur les défenses côtières de Saint-Sordelin et des Ajoncs, l’attaque sur l’axe Médis-Royan est arrêtée par les ouvrages fortifiés et minés de Belmont, qui ont survécu à ce déluge de feu et d’acier et sont conquis par le 4e Zouaves. Aussitôt les chars de la division Leclerc foncent sur Royan, la mer est atteinte à la tombée de la nuit, dans un nuage de fumée et de poussière irrespirable, Suzac et Saint-Georges sont aussi libérés. Le lundi 16 avril, après une nouvelle et intense préparation d’artillerie, la brigade Oleron franchit la Seudre et libère la presqu’île d’Arvert à l’exception du réduit de la Coubre. La division Gironde nettoie Royan, les ouvrages fortifiés du port, du Chay, de Pontaillac et du bois de Bellamy sont pris par le 4e Zouaves. Les résistants condamnés à mort, détenus à Saint-Palais, se libèrent eux-mêmes en désarmant leurs gardiens. 550 bombardiers pilonnent Jaffe et la Coubre, les ouvrages de Vaux puis de Jaffe sont enlevés par le 4e Zouaves. Saint-Georges et Vallières sont nettoyés, après une résistance acharnée. Au soir du 16 avril, il ne reste plus à réduire que le blockhaus de Michahelles à Pontaillac et ceux du réduit de la Coubre. Le mardi 17 avril, le réduit de la Coubre est soumis à un violent bombardement aérien. La fumée et la chaleur intense de la forêt en flammes gênent l’attaque de la brigade Oléron. Le 4e Zouaves, toujours en première ligne, attaque le blockhaus de Michahelles à Pontaillac. Après une vive défense, l’amiral se rend avec 12 officiers et 97 sous-officiers et hommes de troupe. Le général d’Anselme arrête les opérations et ouvre des pourparlers avec les 800 marins du bataillon Tirpitz qui défendent la Coubre. Le matin du mercredi 18 avril, ils se rendent et défilent devant leurs vainqueurs en grand uniforme car Larminat, toujours chevaleresque, leur accorde les honneurs militaires. La victoire est totale. L’ennemi, écrasé sous 153 550 coups de canon et 10 000 tonnes de bombes, compte 479 tués et 4 600 prisonniers dont 220 blessés. Mais les pertes françaises sont lourdes, 154 tués et 700 blessés, sans parler des quelques dizaines de victimes civiles. Dans son ordre du jour de victoire Larminat déclare à ses troupes: «Vous pouvez être fiers de votre œuvre. Vous avez bien mérité de la Patrie.» Le général Leclerc, qui avait refusé de le rencontrer car il n’appréciait pas d’avoir été contraint d’aller à Royan, lui écrit qu’il acceptera à nouveau de combattre sous ses ordres, mais que la gloire pouvait être obtenue dans l’invasion de l’Allemagne mieux que sur le Front de l’Atlantique et que l’histoire décidera lequel de ces objectifs contradictoires primait l’autre. L’histoire a cb75-3.jpgjugé, sans hésitation, l’attaque de la poche n’a pas marqué l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et la gloire est allée au général Leclerc et à sa marche victorieuse sur Berchesgaden. Le prestige a été la vraie raison de cette attaque tardive et si la victoire fut totale, avec le recul du temps, elle n’apparaît guère brillante. Lors de la revue, par un temps splendide, le dimanche 22 avril dans la plaine des Mathes, le général de Gaulle salue cette victoire française qui prouve l’efficacité de l’armée nouvelle et déclare que le travail a été bien fait. Au milieu d’une débauche d’uniformes colorés des zouaves, tirailleurs et autres troupes régulières, les FFI se remarquent par la note sévère de simples tenues kaki. Les membres de la Résistance, alignés sur la route presque devant l’estrade du général, mais en parents pauvres, sont décontenancés et déçus. De nombreux combattants sont décorés, dont Larminat, d'Anselme, Rue, Corniglion-Molinier, Adeline et le 4e Zouaves, qui reçoit une dixième palme à la Croix de guerre de son drapeau pour avoir pris la plus large part dans cette victoire, fait plus de 2 000 prisonniers dont l’amiral, mais compte 60 tués et 250 blessés. Puis de Gaulle traverse rapidement le chaos de désolation et les ruines désertes de Royan et fait part de sa tristesse devant un tel désastre. Le général Royce n’est pas oublié puisque le gouvernement du général de Gaulle le fait commandeur de la Légion d’honneur le 26 mai suivant.

 

Pourquoi cette tragédie ?

 

Furieux d’avoir perdu leurs biens, leur ancienne ville et de nombreux amis et parents, les Royannais n’ont rien compris à cette fureur guerrière et ont tenu Larminat pour seul responsable de tous leurs maux, du bombardement inutile, de l’attaque tardive jugée tout aussi inutile, et du regrettable pillage des ruines par nos troupes qui a suivi.

D’ailleurs Larminat, peu diplomate ne fait guère d’effort. Il ne fut jamais autorisé à remettre les pieds dans la ville qu’il avait libérée et pourtant il a rappelé avec raison que si Royan a été détruit c’est par suite de l’acharnement militaire des Allemands. En ce qui concerne le bombardement, Larminat ne porte qu’une partie des responsabilités. Quant à l’attaque tardive d’avril 1945, à trois semaines de la fin de la guerre, approuvée par nos troupes, elle a été imposée par la seule volonté du général de Gaulle qui voulait une victoire française sur notre sol pour redorer un peu le blason de notre armée, Larminat a approuvé bien sûr mais n’a rien décidé. Enfin, c’est le commandant de la place, le colonel Adeline, qui n’a pas appliqué avec rigueur les ordres de Larminat pour éviter le pillage après la libération de la poche, mais ce n’était sans doute guère facile de les faire appliquer avec des troupes difficiles à contrôler.

Le résultat final malheureusement est que Royan libéré est un champ de ruines.

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