La retraite studieuse de Placid et Muzo
Jacques Nicolaou, le dessinateur de Placid et Muzo, est installé depuis 33 ans dans la commune. Si les aquarelles et la vidéo occupent ses journées, il n'oublie pas les personnages de Pif Gadget.
Il a les yeux rieurs de ses personnages fétiches. Il a également la bonhomie et la convivialité que l’on retrouvait dans ses gags qui ont bercé la jeunesse de milliers de lecteurs. Le nom de Jacques Nicolaou n'évoque sans doute rien pour beaucoup mais si l’on ajoute Placid et Muzo alors tout de suite l’ours bedonnant et le renard malin se matérialisent. Installés à Saint-Georges, Jacques (Nico pour les intimes) et Louisette, sa pétillante épouse, coulent des jours heureux mais pas si reposants. «Il n’arrête jamais», soupire Louisette qui, après 50 ans de mariage, a bien fini par s’habituer au tourbillon qu’est son mari.
Entre ses dessins, sa peinture, ses vidéos, ses photos… Jacques Nicolaou (photo) est, à 75 ans, quelqu’un de très occupé.
Les premiers dessins édités à 18 ans
De son propre aveu, il n’a jamais été doué en mathématiques. Adolescent, alors que le professeur tente vainement de lui faire comprendre les mécanismes complexes de cette discipline, l’esprit de Jacques Nicolaou s’échappe loin des théorèmes. «Machinalement, j’ai pris un stylo et j’ai caricaturé le professeur. Ce dernier s’en est rendu compte et j’ai été emmené chez le directeur.» Alors que le professeur outré lui montre le dessin, ce dernier lâche : «Ce n'est pas mal du tout. Il fera quelque chose dans le dessin plus tard.» Plusieurs décennies plus tard, Jacques Nicolaou a conservé précieusement ce dessin. «ça a fait tilt tout de suite. Je me suis dit que j’allais faire du dessin.» Le timide et renfermé Jacques, qui a vu le jour en région parisienne d’une mère charentaise et d’un père grec, se lance alors dans le dessin humoristique. A 18 ans, les premiers sont édités dans Ici Paris et La Casserole, entre autres. Le jeune homme vit alors de sa passion. «Enfin façon de parler car je ne savais jamais à l’avance si mes dessins seraient sélectionnés. C’était assez dur financièrement comme situation et assez démoralisant.» D’autant que Louisette, qu’il a rencontrée lors de vacances à Saint-Georges, refuse cette vie de quasi-bohème. «Je l’ai poussé à trouver un autre travail, plus sérieux.» Ce sera le dessin industriel dans un bureau d’études spécialisé dans l’aviation. «Je faisais des choses carrées et cela m’est resté par la suite. Je n’aime pas que mes dessins partent dans tous les sens.» Jacques Nicolaou continue tout de même de fournir des dessins aux journaux et à 24 ans il est publié pour la première fois dans Vaillant. Il commence par illustrer différents jeux puis on lui propose de reprendre les personnages Placid et Muzo dessinés alors par Cabrero-Arnal. «En 1955, j’ai donc repris ces personnages que je n’ai plus quittés jusqu’en 1990. Jusqu’en 1962 j’ai poursuivi mon travail dans le bureau d’études et puis après je me suis entièrement consacré au dessin. Mais j’avoue que j’avais peur, cela ne faisait pas très sérieux la bande dessinée.» «Et pourtant qu’est-ce qu’il travaillait, confesse Louisette, c’est bien simple, nous ne pouvions jamais recevoir qui que ce soit, ni partir en vacances.» Jacques Nicolaou avait une façon bien particulière, en effet, de sortir les personnages de son imagination. Il s’allongeait sur son lit, fermait les yeux avec à ses côtés un bloc-notes et un stylo. Et les gags venaient ainsi. «Je travaillais mieux lorsque je ne voyais personne.»
A la création de Pif Gadget
Il collaborera avec Walt Disney avant le lancement du fameux Pif Gadget. «C’est moi qui créais les objets et les façonnais.» A ses côtés, Louisette n’est pas inactive. D’une part, elle élève leur fille Béatrice et d’autre part, elle lit les gags de son mari. «Quelques fois je coloriais les planches. Il utilisait un litre et demi d’encre de Chine par an, c’était énorme. C’était une véritable usine avec une à sept pages par semaine, plus le poche.» Jacques Nicolaou s’est souvent servi de sa vie dans ses gags. On retrouve ainsi son amour de la musique, la fameuse Dauphine… «C’est vrai qu’ils me manquent aujourd’hui ces deux personnages.» Une petite ombre qui passe rapidement puisque depuis qu’il est à la retraite, Nico s’est trouvé d’autres centres d’intérêt : la peinture qui donne lieu à une exposition chaque été en août, la vidéo ensuite. «Je filme des mariages, des galas de danse... Je travaille également à la communauté d’agglomération où je filme les débats.»
Régulièrement, on retrouve ses dessins dans le bulletin municipal de Saint-Georges-de-Didonne et il prépare actuellement une bande dessinée de prévention pour la SNSM.
Dessin : Jacques Nicolaou pour La Côte de Beauté