Histoire - N°117 - Avril/Mai 2012

La thérapeutique des bains de mer

Au cours du XIXe siècle, l’usage des bains de mer se développe partout en France mais reste avant tout un acte médical sous surveillance étroite des médecins. Ces derniers publient une littérature riche sur les bienfaits thérapeutiques, les méthodes et les moyens de prendre les bains de mer. Les médecins royannais mettent en valeur les avantages de leur station balnéaire.

«On a dit, et c’est une opinion généralement accréditée parmi les médecins et les gens du monde, que l’eau de la mer ayant partout la même action médicinale, les baigneurs pouvaient choisir les plages les plus à leur convenance et même se laisser guider par la mode. D’après cela, il n’y aurait point de prescription absolue à formuler, et l’on pourrait aller indifféremment à Trouville, à Dieppe, aux Sables, à Biarritz, à Royan etc. etc. Voilà une erreur que je combattrai de toutes mes forces, parce qu’elle touche aux intérêts les plus sérieux de ceux qui vont chercher sur les plages, non pas des distractions et des plaisirs, mais la santé», insiste le docteur L. Gigot-Suard, médecin inspecteur adjoint des bains de mer de Royan dans son Guide Médical du baigneur de Royan en 1860. Au milieu du xixe, les baigneurs prennent des bains de mer par thérapie et non pour le plaisir. Cette mode médicale remonte au milieu du xviiie siècle en Angleterre notamment dans la station de Brighton. Cette vogue des bains de mer gagne la France à partir des années 1820. Dieppe et Boulogne-sur-Mer inaugurent les premiers établissements français de bains de mer à but thérapeutique. Avec le développement du chemin de fer, les littoraux deviennent plus accessibles et apparaît l’émergence de nombreuses stations balnéaires sur les côtes atlantique, bretonne et normande. L’usage des bains de mer est très encadré par le corps médical et une multitude d’ouvrages scientifiques de médecins paraissent pour guider l’apprentissage du baigneur et mettre en évidence les soins et avantages thérapeutiques que le bain peut apporter selon les maladies. Ces guides constituent de véritables classifications géographiques des eaux de mer et par conséquence mettent en exergue des stations balnéaires, chaque médecin vantant alors les bienfaits de ses eaux marines par rapport aux autres. Le docteur Pouget, médecin-inspecteur des Bains de mer de Royan prône naturellement dans son ouvrage Recherches et observations sur l’emploi hygiénique et médical de l’eau de mer et sur les influences de l’atmosphère maritime publié en 1851 la côte royannaise. Le docteur L. Gigot-Suard écrit qu’il n’aurait pas fait son guide publié en 1860, «si je ne devais répéter au lecteur que ce qui a été dit dans tous les manuels du baigneur. Mais par l’heureuse et exceptionnelle disposition de ses plages, Royan offre à la thérapeutique et à l’hygiène des ressources qu’on ne rencontre pas ailleurs.» L. Gigot-Suard privilégie les petites ondulations de la Grande Conche plutôt que l’agitation de la mer à Pontaillac : «Tandis qu’à la Grand Conche les mouvements de l’eau sont extrêmement modérés, de sorte que les baigneurs ne reçoivent qu’une lame très faible, à Pontaillac au contraire, c’est la véritable vague avec ses secousses, ses percussions et ses chocs. Entre ces deux extrêmes, nous trouvons encore des degrés intermédiaires sur les conches de Foncillon et de Chaiz.» A la même époque, en 1862, le docteur Salmon, confrère mais concurrent du précédent y va de son opuscule, Coup d’œil médico-philosophique sur l’emploi de l’eau de mer. Ce médecin, attaché à l’établissement hydrothérapique du casino de Royan écrit que «l’eau de mer est administrée suivant des modes diversifiés à l’infini et dont chacun d’eux comporte des soins soutenus et une attention particulière dont l’omission ou la négligence peut compromettre le succès de cette énergique et souvent héroïque médication. Ainsi, à l’extérieur : 1° le bain froid, pris à la mer, sous l’action excitante et tonique de la lame, 2° le bain de baignoire, pur ou mitigé, à des températures qui doivent varier suivant les cas c’est-à-dire suivant les lésions qu’on a en vue de combattre, 3° l’affusion froide, exercée sur la totalité du corps ou sur une partie seulement, 4° les douches descendantes, 5° les pédiluves, 6° les lotions, 7° les applications locales diverses, 8° la sudation, avec ses modes et ses degrés divers, 9° la pulvérisation, avec ses conditions multiples. […] Parmi les stations que nous avons visitées, il en est beaucoup qui manquent d’appareils hydrothérapiques et très peu d’entre elles en offrent de plus complets et de mieux établis qu’à Royan. A Dieppe, comme à Trouville, au Havre, à Fécamp, il n’existe qu’une seule plage, tandis qu’à Royan, il s’en trouve trois, et même quatre, dans lesquelles l’agitation des flots de la mer présente des degrés divers, d’où des modes d’action divers aussi, circonstance d’un haut intérêt pour le traitement des maladies, suivant la mesure de tonicité qu’on tient à produire ou à provoquer.»

Baignoires naturelles de Pontaillac

En 1872, le docteur Auguste Guillon, ancien chirurgien de la Marine et ancien conseiller général de la Charente-Inférieure, crée un nouvel établissement thermal sur la falaise de Pontaillac. Il innove en créant des «baignoires» d’eau de mer creusées à même la falaise. Celles-ci sont toujours visibles actuellement et sont souvent au centre d’interrogations de la part des visiteurs qui se demandent quelle est l’origine de ces «trous». L’auteur présente dans son ouvrage Bains de mer des côtes de l’Océan ; Biarritz, Arcachon et Royan; Leurs avantages respectifs,  publié en 1875 les avantages des bains de mer dans ces trois stations qui se disputent sur l’Océan la prééminence : entre Biarritz, «au fond du golfe de Gascogne qui doit à l’Empire passé sa plus grande renommée», Arcachon, «protégé à la fois par la haute finance et à cause de sa proximité, par le commerce de Bordeaux» et Royan, «qui n’a pour lui aucune protection, mais que ses agréments et ses seules ressources mettent au moins au niveau de toutes les stations balnéaires maritimes de France». Le docteur Guillon y développe sa théorie sur les bienfaits de la piscine ou de la baignoire naturelle d’eau de mer : «Tous les établissements de bains de mer devraient être pourvus d’une piscine en plein air, vaste et peu profonde. Dans quelques endroits privilégiés, comme Royan où la côte est bordée de falaises élevées, au pied desquelles la mer a creusé, en différents points des excavations étendues et des anfractuosités profondes que chaque marée remplit de manière à former de petits lacs (lagottes en termes du pays), où l’eau chauffée par le soleil, d’une marée à l’autre, forme un bain tiède des plus agréables, la nature a en partie pourvu à cette nécessité et donné tout au moins l’idée d’une médication qu’il serait facile de généraliser et de faire fructifier à peu de frais, en donnant à plusieurs de ces petits lacs, comme nous avons commencé déjà à l’exécuter à Pontaillac, plus de régularité et une plus grande étendue. […] Les habitants des côtes, qui instinctivement usent pour leurs douleurs des bains tempérés des lagottes, en retirent des avantages que jusqu’ici l’on n’a pas assez bien observés. Redisons-le encore : quels bains plus agréables et plus salutaires que ces bains en plein air, sous l’action doublement vivifiante du soleil et de la brise, du large, dans un eau dont tous les principes minéraux se trouvent concentrés auxquels il est possible d’ajouter, si l’on veut, et que chaque marée sans peine et sans dépenses renouvelle à souhait.» Le docteur Guillon met alors en avant les avantages de Royan par rapport aux stations balnéaires dépourvues de rochers où la plage est sans cesse couverte de vase, de galets ou tout à fait sablonneux comme à Toulon, à La Tremblade et aux Sables-d’Olonne : «Les crabes qu’on pourrait craindre d’y rencontrer n’y séjournent jamais parce que les bords de ces baignoires sont lisses et qu’ils ne trouvent pas pour s’y cacher des algues ou des trous. Pour plus de sûreté, la pêche avant le bain. C’est un plaisir de plus. On pourrait donc ainsi […] disséminer, comme nous avons commencé à le faire, le long de la côte, au pied des falaises et sur la roche plate sur laquelle elles s’appuient, un certain nombre de ces piscines de dimensions variables, dont la nature elle-même a désigné la place, dont elle offre les rudiments et où les malades pour lesquels l’usage des bains de mer tranquilles, tièdes et médicamenteux pourrait être indiqué, auraient ou chacun sa baignoire, ou se réuniraient comme dans certains établissements thermaux pour y causer et s’y distraire.»

Une vaste piscine, deux grandes baignoires et deux baignoires individuelles sont ainsi aménagées dans les rochers de Pontaillac près de l’établissement thermal installé sur le boulevard de la Côte d’Argent par le docteur Guillon.

(A suivre)

Christophe Bertaud

 

Commentaires des internautes
wilma - le 23/07/2013 à 13:53
merci ! oui merci à vous, car depuis que nous allons a Pontaillac, il est vrai que ces "trous" ont fait souvent l'objet d'une grande interrogation ; Pour nous cela représentait une tete de "nounours" que nous avons pris maintes fois en photo - Aujourd'hui, grace a vous, nous savons ce que sait
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