Le « ver plat » de Roscoff
En bas des plages, par temps calme et à marée descendante, on rencontre ces drôles de traces vertes, semblant s’écouler vers la mer. Eh bien, si l’on y regarde de plus près, de très près même, on s’aperçoit qu’il s’agit de minuscules animaux ressemblant à des vers de quelques millimètres, qui vivent en colonies, à plusieurs millions. Leur mode de vie est très étonnant !
Au début de leur vie, les vers de Roscoff sont translucides, blanchâtres. Ils consomment des algues vertes microscopiques. Peu à peu, tout en verdissant, leur système digestif régresse et disparaît chez l’adulte. Certaines des algues avalées n’ont pas été digérées : elles sont bien vivantes et se multiplient à l’intérieur, jusqu’à 25 000 par ver ! Ces algues sont naturellement capables de photosynthèse, c’est-à-dire que grâce à l’énergie du soleil, et à partir seulement des éléments minéraux et du gaz carbonique, elles fabriquent tout ce qu’il faut pour vivre : sucres, acides aminés, etc. Le ver leur prend la moitié de cette nourriture créée, qu’il utilise pour sa propre croissance, en plus de l’oxygène produit gratuitement et qu’il peut respirer. C’est du vol ? Non : les algues y trouvent aussi leur compte.
En échange, le travail du ver est de bien abriter et chouchouter ses locataires : il a le don de bien se positionner, dans un filet d’eau, à mi-hauteur pour que les algues de son « dos » reçoivent directement la lumière du soleil, et celles de son « ventre » soient éclairées par la réverbération du sable. Il bouge même en permanence, pour éviter l’ombre de ses voisins.
Il veille à son usine interne
Cet échange de bons procédés s’appelle une symbiose : le ver mange et respire, les algues sont hébergées et toujours bien placées.
L’animal dispose d’un système nerveux rudimentaire. Un organe sensoriel, le statocyste (un point blanc que l’on peut apercevoir à la loupe), ressent la gravité et le renseigne sur sa position en trois dimensions. Juste à côté, deux ocelles sont sensibles aux variations de lumière. Grâce à un mucus, et des cils, il se déplace facilement pour exposer ses algues dans la position la plus favorable possible.
Lorsque le sable sèche, ou que le soleil disparaît, ou que la mer monte, les conditions ne sont pas bonnes : il s’enfouit dans le sable !
Du fil à retordre pour les scientifiques
C’est à la fin du XIXe siècle, dans le laboratoire de la station biologique de Roscoff, dont il a conservé le nom, que cette créature a été décrite et étudiée dans ses détails. Facile à élever en laboratoire, « comme une plante verte », elle passe encore pas mal de temps sous les microscopes. Dernière découverte, en date de 2010 : ce n’est pas un vrai ver vert ! Heureusement, on a le droit de le nommer en français « ver de Roscoff », sinon il faut obligatoirement dire Symsagittifera roscoffensis.
Le saviez-vous ?
Parmi les « vers plats », dans lesquels celui de Roscoff était classé, plusieurs ont dû changer de catégorie. En fait, ils font partie d’un groupe animal peu connu du grand public, les acoeles : dans l’histoire de la vie sur Terre, ils sont parmi les premiers à posséder une symétrie bilatérale (deux côtés égaux) mais aussi un avant et un arrière : nous avons forcément de très, très lointains ancêtres en commun avec eux.
Étonnez vos cousins en mettant une photo du ver plat de Roscoff dans l’arbre généalogique familial !
Pour en savoir plus :
La fiche Doris : https://doris.ffessm.fr/Especes/Symsagittifera-roscoffensis-Ver-plat-de-Roscoff-1027
Une fiche Zoom nature : www.zoom-nature.fr/un-ver-ou-une-algue-euh-les-deux-en-fait/
Une petite vidéo montrant différents grossissements : https://youtu.be/BON8dSZFlV4
Cette fiche est réalisée par CPIE Marennes-Oléron
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Avec le soutien de naturalistes de Marennes-Oléron