Culture - N°168 - Octobre/Novembre 2020

Livres

Héros des airs

Les éditions Bonne Anse, de Vaux-sur-Mer, dont nous suivons avec intérêt chaque parution, proposent en cette rentrée littéraire un livre, petit mais dense, retraçant l’histoire de cinq aviateurs – Yves Ezanno, Henri Gaillet, Robert Moizan, Albert Preziosi et Jacques Soufflet – qui refusent l’ordre du maréchal Pétain de cesser les combats contre les Allemands le 17 juin 1940. Ils réussissent à s’échapper de l’aérodrome de Royan-Médis pour rejoindre l’Angleterre. Hervé Gaymard, ancien ministre, président de la Fondation Charles de Gaulle, écrit dans l’avant-propos : « L’Ecole de pilotage de Royan fut, dans les ténébreux hasards de la débâcle, le point de départ d’une aventure patriotique, militaire mais aussi personnelle pour quelques hommes, transformant précocement leur existence en destin. » Christophe Soulard, l’auteur (voir Livres dans CB n° 107 et 131), décrit cette aventure en commençant par l’histoire aéronautique de Royan avec la semaine de l’aviation organisée dès 1910, au mois de septembre. C’est au début des années 1930 que se crée puis se développe l’aérodrome de Royan-Médis qui devient école civile et militaire (mécaniciens et pilotes) en 1935 devant la menace d’Adolf Hitler qui « commence, au mépris du Traité de Versailles, à réarmer son pays ». C’est de cette école d’aviation que décolleront les cinq pilotes qui refusent de se rendre à l’ennemi allemand. Au moment de partir Jacques Soufflet dit aux officiers qui restent sur place : « Oui, je pars pour l’Angleterre car j’ai confiance en Churchill. Il poursuivra la guerre. » À son commandant il dit : « La capitulation dans l’honneur, c’est impossible. Je veux me battre. » Ils décollent tous les cinq quelques heures seulement après le discours de Pétain, le 17 juin 1940, et se retrouvent en Angleterre. Christophe Soulard suit ensuite le destin de ces cinq premiers aviateurs de la France libre. Il revient aussi sur de nombreuses anecdotes dont celle, poignante, de ce mécanicien, Pierre Bideau, et de ses deux amis qui ont voulu suivre l’exemple des pilotes et sont partis, de nuit, à leurs risques et périls, le lendemain. Ils arrivent à décoller malgré une roue crevée et manquent de s’écraser à l’atterrissage, à court de carburant, dans un pré de la campagne anglaise. Seul rescapé après la guerre, Pierre Bideau témoigne de son aventure pour rendre hommage à ses deux compagnons morts au combat : Michel Roche au-dessus de la Manche en 1942 et Marcel Bausardo au Tchad en 1943.

C’est avec beaucoup de détails, illustrés par de nombreux documents, que Christophe Soulard livre ce précieux ouvrage « faisant revivre au lecteur les émotions de ces hommes qui se sont conduits en héros » comme le précise si bien l’éditeur.

Juin 1940 - L’envol pour l’honneur, de Christophe Soulard, éd. Bonne Anse, 160 pages, 20 €

 

Roi des phares

Disons-le tout de suite, ce livre est à la hauteur de la réputation de ce phare majestueux : les nombreuses photographies de Yann Werdefroy (voir CB n° 163, page Livres) sont très belles et les textes de Jacques Péret, accompagnés de nombreux documents anciens, passionnants. L’auteur, professeur émérite d’histoire moderne à l’université de Poitiers, revient sur la genèse de ce bâtiment en posant la question, au début du livre : « Pourquoi avoir construit sur un rocher isolé, en pleine mer, un chef-d’œuvre d’architecture aussi exceptionnel alors qu’une simple tour aurait suffi ? » Parcourir les pages suivantes apporte des éléments de réponse. Il s’agissait d’abord de sécuriser le plus grand estuaire de France qui donne accès à Bordeaux par la Gironde. Les cartes anciennes (avant 1660) montrent que le phare était posé sur une île, plus ou moins vaste selon les représentations, mais qui accueillait au xiiie siècle, en plus de la tour, des chais et bâtiments abritant ouvriers et même trois chevaux, le tout protégé par des murailles et palissades. Les marées et les tempêtes vont réduire cette île à un simple plateau rocheux. « Le phare actuel est l’héritier de plusieurs “tours à feux” qui, depuis le xiiie siècle, se sont succédé sur le même site, explique Jacques Péret. La rustique tour à feu médiévale a laissé la place à la fin du xvie siècle à la monumentale construction de Louis de Foix, rehaussée et modernisée deux siècles plus tard par Teulère. » C'est donc Henri III qui décide de construire une nouvelle tour en 1582 puis Henri IV qui souhaite la transformer en monument grandiose. « C’est un véritable château royal, à l’architecture et à la décoration somptueuses et foisonnantes inspirées des modes de la Renaissance finissante, qui trône désormais en pleine mer. » S’en suivent des campagnes constantes de travaux d’entretien ou de reconstruction pour sauvegarder ce bâtiment essentiel à la navigation. Le souci est aussi de toujours améliorer la visibilité des feux avec l’installation de la première lentille de Fresnel au xixe siècle, qui sera ensuite installée dans beaucoup de phares dans le monde entier. 

L’auteur aborde dans le détail l’architecture flamboyante à la gloire de la monarchie, les hommes qui ont fait Cordouan (architectes, ingénieurs, gardiens…) puis la candidature du site pour l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité à l’Unesco. Et à la lecture de ce livre, qui se lit comme un roman historique, on comprend pourquoi.

Cordouan, de Jacques Péret et Yann Werdefroy, éd. La Geste, 252 pages, 20 €

 

À la découverte des frégates

Les auteurs de ce livre dessiné, Jean-Yves Delitte (CB n° 154 et 156) et Jean-Benoît Héron (CB n° 151), sont bien connus et appréciés autant pour la richesse que la précision de leurs illustrations. C’est le cas encore ici pour ce beau livre qui nous embarque à bord de dix des frégates les plus connues autour du monde. Pour la France, il y a L’Hermione mais il y a aussi La Boudeuse de Bougainville et La Méduse – et son radeau – au destin beaucoup plus bref et tragique.

Chacun de ces navires est méticuleusement représenté en situation d’époque mais aussi dans le menu détail pour en comprendre l’architecture et l’organisation à bord. Les textes expliquent l’histoire de ces bateaux aux destins exceptionnels, telle la frégate Alcyon, construite en 1689, qui servira essentiellement, sous le commandement de Jean Bart, corsaire devenu officier de la Royale, à la guerre commerciale contre les ennemis anglais et hollandais. Alors que beaucoup de navires finissent au fond de la mer lors de violents combats, l’Alcyon finira désarmée en 1717 à Lorient.

Mais avant d’aborder tous ces bateaux de légendes, les auteurs reviennent sur l’histoire des frégates, leurs métamorphoses au cours des siècles (canons, gréements…), les chantiers navals (la Corderie royale de Rochefort…), l’organisation de la vie à bord, etc.

Une belle immersion dans l’histoire maritime.

A bord des frégates, de Jean-Yves Delitte et Jean-Benoît Héron, éd. Glénat, 96 pages, 25 €

 

Le surf au féminin

Ce beau livre est un recueil de très belles photos et de témoignages sur des surfeuses du monde entier. Carolina Amell, coordinatrice du livre, a su mettre en avant la qualité du travail des photographes accompagné du témoignage de chaque surfeuse grâce à une mise en page épurée. Certaines de ces femmes sont aussi photographes, réalisatrices, shapeuses, globetrotteuses, activistes, surfeuses professionnelles ou encore pionnières, comme Samia Lilian qui, en pratiquant sa passion, a aussi brisé le tabou empêchant les Sri-Lankaises de surfer. Liz Clark est une Californienne qui a quitté son pays pour parcourir le Pacifique à bord de son voilier « en quête de vagues isolées à surfer ». Également activiste environnementale, elle témoigne : « Vous êtes en vie pour réaliser vos rêves ; trouvez ce qui vous fait vibrer, travaillez dur, préférez l’amour à la peur. » Proches de la nature, elles sont certainement toutes plus ou moins idéalistes. Une autre Californienne, Sarah Brady, se préoccupe de l’environnement depuis qu’elle pratique le surf : « Quand j’ai découvert l’ampleur de la crise environnementale et que j’ai appris que nous en étions la cause majeure, j’ai senti que je devais moi aussi faire quelque chose pour modifier notre relation à la nature. » Autre témoignage, de Cécilia Thibier, surfeuse et photographe française : « Pour moi, la lumière, les femmes et l’océan sont le cœur du monde. » À lire cet ouvrage, on veut bien la croire.

Nées pour surfer, de Carolina Amell, éd. Glénat, 256 pages, 39,50 €

 

Vie sousmarine

Voilà un très beau livre comme sait en faire l’éditeur Glénat : grand format, papier épais, photographies de qualité, fabrication impeccable et auteurs de référence. Le sujet ici : la vie sauvage dans l’océan à travers le monde, depuis les côtes jusqu’aux profondeurs abyssales. On apprend plein de choses en lisant les textes de Catherine Vadon, docteur en océanographie, comme le rôle du plancton qui constitue 98 % de la biomasse océanique, produit la moitié de l’oxygène de la planète et absorbe une part significative du gaz carbonique. Le livre s’ouvre sur la vie aquatique le long des côtes, avec une photo des étranges limules atlantiques, apparentées aux scorpions et aux araignées, que l’on peut observer sur les plages du New Jersey aux Etats-Unis lors de la reproduction. Les photos de cette vie aquatique très dense sont spectaculaires, comme ces crevettes nettoyant les dents d’une murène dans une cohabitation à avantages mutuels. En haute mer, ce sont deux spectaculaires marlins rayés qui encerclent un ban de sardines qui feront leur repas au large du Mexique. Les pages se tournent et on découvre encore la richesse incroyable de la vie sous-marine.

Océan sauvage, Catherine Vadon et Biosphoto, éd. Glénat, 192 pages, 39,50 €

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