L’ophrys de la passion
Cette jolie petite plante aux fleurs d’une complexité poétique, qui sort le bout de ses tiges de février à avril, est l’ophrys de la passion, qui annonce l’arrivée du printemps.
Pour l’observer, avant tout, il est important de savoir que les fleurs d’une même espèce d’orchidée peuvent varier en forme, en couleur et en taille d’un site à l’autre. Ne vous étonnez donc pas de trouver des individus sortant de l’ordinaire au sein d’une même station. Typiquement, chaque pied mesure 10 à 30 cm et porte environ cinq fleurs. Les sépales et les pétales sont verdâtres, mais peuvent virer au brun ou au pourpre. Un seul pétale saute aux yeux, c’est le labelle, l’atout principal de l’orchidée. Celui de l’ophrys de la passion est orné d’un motif en forme de « H » ou de « π » (la lettre grecque pi), et bordé d’une marge plus claire, tirant du jaune pâle à l’orangé.
La malice de l’ophrys
Bien visible, le « labelle » est un pétale modifié dont la fonction est d’attirer les insectes pollinisateurs. Certaines orchidées imitent visuellement l’insecte femelle. D’autres, comme l’ophrys de la passion, émettent des phéromones qui imitent celles de certains insectes. Ainsi une petite abeille sauvage nommée Andrena carbonaria, victime de la supercherie de l’ophrys, assure malgré elle la pollinisation de l’orchidée futée.
La vision des insectes, comme de bien d’autres animaux, est différente de celle du genre humain. Ils sont notamment bien plus sensibles aux ultraviolets, voire aux infrarouges, comme nos voisins les moustiques. Chez l’ophrys de la passion et de nombreuses autres orchidées, le labelle porte une tache (appelée macule, ou parfois « miroir ») qui nous apparaît légèrement brun-pourpre et brillante. Pour les espèces d’abeilles ayant coévolué avec cette orchidée, elle est parée des couleurs les plus attirantes ! On peut d’ailleurs faire l’expérience d’éclairer une de ces belles fleurs avec une lumière ultraviolette, pour se rapprocher de ce que les abeilles voient : c’est très spectaculaire !
L’interaction entre des orchidées et certains insectes est une chose remarquable dans la nature, c’est le résultat de millions d’années d’évolution. On parle même de coévolution, quand deux espèces évoluent ensemble en s’influençant réciproquement : en imitant le dos d’un insecte ou d’une araignée, la fleur attire les mâles qui vont se livrer à un pseudo-accouplement, tout en se frottant aux étamines : ils partiront pleins de pollen visiter une autre fleur, participant au miracle de la fécondation… de la fleur ! Un stratagème qui relève un peu de la supercherie ! Alors que chez d’autres espèces, la fleur offrira pollen ou nectar à l’insecte pollinisateur. On aboutit ainsi à une spécialisation forte entre une plante et son insecte pollinisateur, mais cette spécialisation peut devenir un point faible important pour certaines espèces lorsque les équilibres climatiques sont modifiés : si leurs pollinisateurs disparaissent, ou que leur cycle de vie n’est plus en phase avec celui de la plante, leurs chances de se reproduire diminuent.
Où et quand l’observer ?
Dès le tout début du printemps (c’est-à-dire février-mars dans nos contrées ensoleillées) certaines prairies calcaires et dunes grises de Charente-Maritime se parent de cette belle orchidée. Bien souvent en petits groupes, c’est l’une des plus fréquentes sur le littoral charentais. On peut même la trouver dans nos jardins, où elle pousse spontanément : ne cherchez pas à la dompter (replantation), elle succomberait à toute tentative de replantation ! Elle se laisse néanmoins admirer pour le plus grand plaisir de nos yeux !
Son nom, « de la passion », fait référence à sa période de floraison, normalement située autour de Pâques, même si l’impact du dérèglement climatique semble rendre cette plante de plus en plus précoce.
De nouvelles orchidées observées
Seul un spécialiste, appelé orchidologue, est capable de nommer une orchidée rapidement. Pour les moins aguerris, il faut s’y pencher et utiliser un bon livre, récent, car de nouvelles espèces sont régulièrement découvertes, à partir de variétés stabilisées ou d’hybrides. C’est le cas d’ailleurs de l’ophrys de la passion qui jusqu’à récemment était considérée comme une sous-espèce du groupe des ophrys araniformes, ressemblant donc à l’ophrys araignée.
En Charente-Maritime, on considère qu’il existe 55 espèces d’orchidées sauvages. Néanmoins, ce nombre peut évoluer en fonction des travaux des botanistes : ce groupe de plantes est tellement complexe que les débats sont permanents (notamment sur les notions d’espèces, de sous-espèces, d’hybrides et d’écotypes…).
Environ un quart de ces espèces sont menacées, car les prairies calcaires, leur habitat de prédilection, ont souvent été négligées dans les plans d’aménagement du littoral, sans parler du déclin des habitats dunaires du fait du phénomène d’érosion. Désormais, des programmes de protection permettent de mieux préserver ces merveilles.
Photo © CPIE MO
Pour en savoir plus :
Guide des orchidées de France, de Suisse et du Benelux, de P. Delforge et E. Klopfenstein (Delachaux et Niestlé).
http://cpie-meuse.fr/wp-content/uploads/2021/06/Livret-orchid%C3%A9e_FINAL.pdf
http://www.orchidee-poitou-charentes.org/spip.php?article1669
Cette fiche est réalisée par CPIE Marennes-Oléron – www.iodde.org
05 46 47 61 85 - 111 route du Douhet - 17840 La Brée-les-Bains
Avec le soutien de naturalistes de Marennes-Oléron
Avril/Mai 2024
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