Municipales à Royan, un siècle auparavant...
Réputée pour être particulièrement impitoyable à certaines époques, la vie politique royannaise est passée en revue dans une nouvelle série proposée aux éditions Bonne Anse. Monique Chartier, enseignante retraitée, livre un premier tome intitulé Royan sur Maires, en cette période d’élections. Plongeon dans la période 1905-1939, ponctuée d’empoignades parfois virulentes. Et dont il ne reste plus rien des réalisations majeures. Discussion ouverte avec l’auteure.
La Côte de Beauté – À se replonger dans le passé que vous explorez, la vie municipale royannaise semble bien calme aujourd’hui.
Monique Chartier – Cela n’a rien à voir avec ce qu’il se passait dans les conseils municipaux de l’époque, avec des querelles à n’en plus finir. Ça durait longtemps, le temps qu’ils s’écharpent les uns les autres. Un maire se faisait traiter de « j’men foutiste », « de caméléon arriviste », de « fruit sec ». Quand on pense qu’il n’avait pas d’enfant, c’était encore plus amer à entendre. Les élus échangeaient aussi des insultes par journaux. Il y a une plus grande courtoisie de nos jours.
Une explication particulière quant à ces comportements ?
C’était une mode de l’époque, on pouvait se le permettre, ça ne leur créait pas de problème. Aujourd’hui, ce ne serait pas toléré de voir ça dans les journaux. C’était quand même très violent.
À cette époque-là, toutefois, on ne faisait pas « sauter » les voitures comme ce fut le cas par exemple plus tard à Royan.
Non, on ne pouvait pas encore [rires]. C’était plutôt verbal ou par écrit. Tous les gens qui relisent La Gazette des bains de mer sont étonnés de la façon dont ils se parlaient à l’époque.
Presse et propagande semblaient faire bon ménage.
Il y avait des articles partisans et assassins, des commentaires injurieux. Au début, Victor Billaud, le directeur de La Gazette, était favorable au maire Paul Métadier. Mais ce dernier a fait des choses plus ou moins douteuses sur le plan des finances et Billaud s’est lancé à fond contre lui. Aux archives départementales, j’ai trouvé six ou sept journaux différents. Comme Le Journal de Royan de Florentin, catholique et conservateur. Les élus étaient tout le temps en période électorale, alors ça n’arrangeait pas les choses. D’ailleurs, je me suis laissé un peu prendre [rires].
Vous retracez le parcours des 5 maires de la période 1905-1939 (Barthe, Rateau, Torchut, Métadier, Lehucher). On y trouve écho de rivalités marquantes.
Notamment sous le mandat d’Auguste Rateau. Avec les querelles les plus violences. Et drôles aussi. Il avait un grand ennemi, le conservateur Souchard qui n’a fait que l’injurier sur ce qu’il n’a pas fait. Un jour, il lui a dit : « Si vous n’êtes pas content, allez-vous faire foutre ! » Rateau n’a pas été réélu, on n’a d’ailleurs aucune photographie de lui
Il y avait aussi la rivalité Paul Métadier/Daniel Hedde. Avec pour paroxysme une banale histoire de tir aux pigeons. Hedde était président de la société du golf et du tir aux pigeons. Métadier ne voulait pas donner une subvention suffisante. Le conseil a pris parti contre lui et Métadier a démissionné une première fois ! Il avait très mauvais caractère je crois.
Est-ce qu’un fait ou une anecdote vous a particulièrement marqué pour ce premier tome ?
Il ne faut jamais confier son argent à une ville ! Je l’ai constaté, il n’est jamais utilisé de la façon souhaitée. Exemple avec la Maison Amiot. Amiot était un riche monsieur qui a fait don de tous ses biens à la ville de Royan à condition de construire une maison de santé réservée à des gens pauvres, pointe de Foncillon. Ça a été le début d’une très longue histoire. Amiot a déshérité sa femme parce qu’elle l’a trompé. Seulement voilà, la Maison Amiot ne provoquera que des ennuis. L’histoire va se poursuivre jusqu’en 39 et même après car elle a été détournée du désir d’Amiot. Elle est devenue une clinique privée. Les héritiers ont protesté, il y a eu des procès sous tous les maires. Il y a d’autres exemples comme ça, des histoires pas possibles.
Quel maire a le plus marqué Royan à cette époque, à vos yeux ?
Je dirais Paul-Eugène Métadier [maire de 1923 à 1931 puis de 1935 à 1939, NDLR]. Un monsieur de grande envergure, connu sur le plan national, reconnu grand-croix de la Légion d’honneur. Il voulait gérer la ville comme un commerce, il avait le sens des affaires. Il y a énormément de grandes réalisations à mettre à son actif, comme la gare routière ou la nouvelle poste. Il voulait à tout prix que la ville soit belle, propre. Il offrait à ses frais les feux d’artifice du 15 août, même quand il n’était plus maire. Les anciens Royannais se souviennent de ça et du fait qu’il ait fait donner le nom de la Charente-Maritime à la Charente inférieure. Il avait un culot formidable. Il a démissionné en 39. Après, les Allemands sont arrivés. Toute une œuvre détruite... De ce qu’il avait créé, il ne reste rien.
Cela vous attriste-t-il, vous qui êtes née en 1934, bien avant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ?
Oui. De même que ça m’a tellement attristé de ne pas avoir connu le casino de Frédéric Garnier à l’emplacement de l’actuel Tiki. Je suis normande d’origine, je connais le casino de Deauville, il était dans le même style. Ça laisse un goût amer.
Un premier tome tiré à 500 exemplaires
S’il se passionne pour ce premier tome qui en appelle d’autres, le directeur des éditions Bonne Anse Pierre-Louis Bouchet se désole toutefois de ne le tirer qu’à 500 exemplaires. Crise du papier oblige, notamment : « C’est la première fois. D’habitude, on est sur 1 000 ou 2 000. Mais je préfère baisser la jauge quitte à en réimprimer par la suite. »