Port méthanier : un débat passionné
Le débat public relatif au projet de terminal méthanier du Verdon a officiellement commencé le 1er septembre dans une ambiance tendue. Deux réunions ont également été organisées à Royan.
Le 4 avril dernier, la CNDP (Commission nationale du débat public) l’avait annoncé : elle se saisissait du dossier Pegaz (CB n° 90), un projet d’implantation d’un terminal méthanier au Verdon porté par la société néerlandaise 4Gas. C’est avec soulagement que cette nouvelle avait été accueillie. Elle assurait aux citoyens une information la plus large et la plus objective possible sur les tenants et les aboutissants de ce projet. L’ouverture du débat public était programmée le 1er septembre. Et jusqu’au 14 décembre, «chaque citoyen concerné pourra connaître en détail les caractéristiques du projet, poser des questions et obtenir des réponses claires et complètes», assurait Louis-Julien Sourd, le président de la Commission particulière du débat public chargée du dossier. Vu la détermination des opposants à dire tout le mal qu’ils pensent de Pegaz, on s’attendait à ce que ce débat ne soit pas un long fleuve tranquille. Une chose est sûre : le débat public était attendu. Plus de six cents personnes se sont ainsi massées dans le palais des congrès de Soulac le 17 septembre, pour la réunion d’ouverture. Cette première réunion visait à présenter les caractéristiques d’un débat public, ainsi que le projet du maître d’ouvrage, le Néerlandais 4Gas. Etait aussi prévue une séance de questions réponses avec la salle. Interlocuteurs dépassant largement leur temps de parole, huée générale lors de l’intervention des promoteurs du projet et, a contrario, tonnerres d’applaudissements lors de celle d’opposants… Louis- Julien Sourd, a dû batailler ferme pour maintenir calme et discipline dans l’assemblée.
Au palmarès des personnes les plus conspuées de la soirée, Paul Van Poecke, président directeur général de 4Gas, arrive en tête. L’homme, casque audio vissé sur les oreilles pour recevoir la traduction des débats, avait choisi de lire un texte en français pour présenter son projet au public. Un effort dont l’assemblée a fait peu de cas… Autres boucs émissaires : Dominique Sentagnes, président du Port autonome de Bordeaux, qui n’a pas renié son attachement au projet, et Franck de Boer, vice-président du groupe néerlandais, qui est resté plus qu’évasif sur la question des distances de sécurité à respecter entre les cuves et les premières habitations. Une attitude qui n’a guère plu à Louis-Julien Sourd, qui a sommé la société néerlandaise d’apporter des réponses précises pour la réunion relative à la sécurité des installations. L’arbitre du débat a néanmoins rappelé que la réunion n’était qu’une «soirée de lancement, toutes les réponses ne pouvaient pas être données en même temps. Au cours des prochaines semaines, tous les thèmes seront abordés, et des experts indépendants apporteront leur témoignage au fur et à mesure.» Reste que son souhait de voir le public «se forger une opinion après avoir écouté et entendu» les différentes interventions risque de ne demeurer qu’un vœu pieux tant chacun semble avoir déjà choisi son camp.
2 000 pour la première réunion royannaise
Le scénario a été le même lors de la première réunion prévue à Royan le 4 octobre dernier et qui, finalement, s'est tenue le 8 octobre. En effet, la salle de spectacle n'a pu accueillir toute la foule venue dire son désaccord. Rendez-vous a donc été pris au lundi suivant. Pour montrer aux responsables du projet leur détermination, au moins aussi grande que les voisins Médocains, les Royannais se sont spontanément regroupés pour une manifestation.
Après ce faux départ, près de 2 000 personnes se sont massées, le 8 octobre, sous le chapiteau de la grande conche. Chahutés dès qu'ils tentaient de prendre la parole, il a été difficile alors aux représentants de la société de donner des explications. Ils ont tout de même promis de mettre en ligne sur le site Internet de la commission des études d'impact réalisées par un bureau d'études néerlandais.
Dominique Decourt, maire de Meschers et vice-président de l’agglomération Royan Atlantique, chargé de l’assainissement a pris la parole pour s'interroger sur le problème des rejets de chlore dans l'estuaire. «Lorsque nous avons mené des études d’extension de station d’épuration, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France nous a imposé de traiter les eaux aux rayons ultraviolets et de supprimer tout rejet de chlore dans le milieu naturel. Je souhaite que l’agglomération Royan Atlantique puisse obtenir une réponse écrite à cette question, car s’agissant du prix du mètre cube d’eau, je peux vous garantir que, pour les gens de Charente-Maritime et du pays royannais, ce n’est pas innocent car c’est eux qui le paient : pourquoi autoriserait-on des rejets de chlore dans l’estuaire de la Gironde ?» La société a répondu qu'elle cherchait toujours des alternatives à toute solution préconisée. «Pour cette utilisation de l’eau, le rejet d’une heure par jour d’eau de javel est reconnu en Europe comme étant la technique la plus répandue et la meilleure ; elle est également utilisée pour les centrales électriques.» Par contre, concernant l'impact économique qu'une telle installation pourrait avoir sur l'activité touristique et sur un possible dédommagement en cas de baisse de fréquentation, les représentants de 4Gas n'ont pas voulu répondre.
«Messieurs, restez chez vous !»
Henri Le Gueut, le maire de Royan, a peut-être résumé à lui seul l'opinion des participants à ce débat. Lorsque la société a parlé de tourisme méthanier, l'élu a explosé. «Vraiment ce soir les pires imbécillités ont été dites ! Messieurs, avec toute la sympathie que l’on peut avoir pour vous, venez nous voir en tant que touristes, mais pas avec votre port méthanier. Aujourd’hui, vous avez une salle qui vous demande de vivre correctement dans son environnement. Elle vous demande la sagesse. Elle a une richesse ici, dans le Verdon et dans l’estuaire. Cette richesse, c’est l’environnement ! Ne venez pas, Messieurs. Je vous en supplie ! C’est du fond du cœur que nous vous disons : restez chez vous ! Je ne peux admettre ce que j’ai entendu, je ne peux admettre qu’on détruise et qu’on viole l’estuaire que nous aimons !» Rendez-vous était alors pris pour une seconde réunion, le 29 octobre dernier. Cette fois les enjeux économiques étaient à l'ordre du jour. Entre-temps le front de l'opposition a grossi, chacun y allant de son communiqué. Dans une ambiance encore plus survoltée que lors de la première réunion, la société a encore eu du mal à faire passer ses arguments devant un public de près de 2 300 personnes contre le projet.