Terminal méthanier, réponse le 14 février
Le débat public concernant le projet d'un terminal méthanier au Verdon a été clôturé le 14 décembre. La commission a jusqu'au 14 février pour rendre son rapport. Le porteur aura alors trois mois pour abandonner ou poursuivre son projet.
Le 29 novembre 2007, la dernière réunion publique organisée par la commission particulière du débat public sur le projet de terminal méthanier au Verdon s’est tenue à Bordeaux. Le débat avait commencé le 1er septembre. Dix réunions ont été organisées dans le Médoc et à Royan. Parallèlement à ces réunions «officielles», de nombreux rassemblements ont eu lieu à l'appel des associations et des politiques, que ce soit à Royan, à Saint-Georges-de-Didonne ou bien encore à La Tremblade. Autant de réunions qui ont permis au front des opposants au projet de grossir.
Trois mois pour poursuivre ou abandonner le projet
Près de 10 000 personnes ont participé aux réunions du débat public, 13 000 contacts ont été enregistrés sur Internet et près de 2 000 questions ont été posées sur le site. Le débat a été officiellement clos le 14 décembre. La commission particulière a deux mois pour réaliser son compte rendu dont la commission nationale tirera un bilan. Dans les trois mois, à partir du 14 février, le maître d’ouvrage devra motiver sa décision d’abandonner, de modifier ou de poursuivre son projet. Cette ultime réunion a justement permis au directeur général de 4Gas France d’expliquer sa démarche. Il a tenté, sans réel succès, de rassurer la population. «Nous avons décidé de mener les études en concertation avec les organismes concernés, en particulier l’agence de l’eau, mais également les acteurs locaux comme les pêcheurs, les ostréiculteurs, pour concevoir les équipements les plus respectueux possibles de l’estuaire, de sa faune et de sa flore. […] Nous avons proposé d’enterrer partiellement les cuves, de les reculer le plus possible sur la parcelle de 20 hectares qui nous est allouée. Nous pouvons envisager de faire appel à des gens spécialisés dans tout ce qui peut servir pour minimiser l’impact, notamment, pourquoi pas, faire du trompe-l’œil ou passer un message par ces cuves. Nous avons également proposé la construction d’une dune côté Port Médoc, des végétations. Nous ferons tout ce qui est possible pour réduire l’impact visuel. Si notre projet n’offre pas toutes les garanties environnementales ainsi que les garanties de sécurité, nous n’obtiendrons pas l’autorisation d’exploiter. Nous croyons que la cohabitation est possible entre l’industrie et le développement touristique. [...] Nous pensons que ce genre de projet est créateur de richesses. Le terminal emploiera entre 300 à 800 personnes pendant la phase de construction.»
Vingt personnes – de la députée du Médoc au directeur du Comité du tourisme de Charente-Maritime, en passant par le sénateur-maire de Soulac ou des associations favorables au projet comme l'Union pour le développement du Verdon, ou défavorables comme le collectif Une pointe pour tous ou l'association des Amis de Saint-Palais-sur-Mer – ont également pris la parole lors de ce dernier rassemblement pour exprimer leur opinion par rapport à cette installation. Didier Quentin, député, président du Conservatoire du littoral et du Comité départemental du tourisme, s’est exprimé pour défendre l’idée de la création d’une aire protégée. «Je viens avant tout, ici ce soir, pour crier très fort l’indignation d’une population et d’un territoire qui se sentent littéralement violés, je dis bien "violés", par un tel projet. Ils en comprennent d’autant moins les raisons que nous n’avons jamais eu la moindre réponse à la question fondamentale que je n’ai cessé de poser : y a-t-il un intérêt national majeur pour un tel équipement à cet endroit précis ? Ou encore : l’alimentation énergétique du Sud-Ouest de la France en dépend-elle ? En fait, les initiateurs de ce projet semblent avoir oublié une réalité géographique incontestable : tout estuaire a deux rives. Ils ont fait comme si nous n’existions pas. Dans les déclarations des dirigeants du Port autonome de Bordeaux et de la Chambre de commerce, jamais, il n’a été question de la Charente-Maritime. [...] L’avenir de la Gironde, le plus grand et le dernier estuaire naturel d’Europe, si riche en biodiversité, nous paraît donc avant tout résider aujourd’hui dans le développement d’un tourisme durable, ce que l’on appelle l’écotourisme. Nous sommes nombreux à penser que la vocation de l’estuaire est de devenir un lieu emblématique de la protection de la nature. L’installation d’un terminal gazier serait un facteur de pollutions innombrables et de dangers non négligeables, avec ces cuves de près de cinquante mètres de haut, avec tous les risques liés à un site Seveso II, avec les conditions difficiles d’entrée dans l’estuaire de la Gironde de ces méthaniers de 250 à 300 mètres de long passant par un chenal étroit, à quelques encablures du Club Méditerranée de La Palmyre et de nos plages de la Côte de Beauté. Si on peut admettre la perspective de quelques retombées positives pour l’économie Nord Médoc, il n’y a que des retombées négatives pour la rive droite en termes touristiques et immobiliers, sans parler de l’atteinte irrémédiable portée au paysage et à la biodiversité. Au moment où la France relance sa politique de protection du milieu marin et quelques semaines après le Grenelle de l’environnement, je ne vois pas comment ce funeste projet pourrait se réaliser.»
Certaines associations favorables au projet ont aussi fait entendre leurs voix. L'Union pour le développement du Verdon, créée à l'automne dernier, a expliqué ses motivations. «Notre association souhaite la construction du terminal méthanier sur la zone portuaire du Verdon. Nous nous associerons à tous ceux qui veulent négocier avec le maître d’ouvrage pour obtenir des améliorations sur le projet. Si 4Gas abandonne, déçu par l’accueil qui lui aura été fait, nous sommes convaincus qu’un autre viendra construire ce terminal comme il y a déjà eu le projet ELF, et nous le défendrons avec la même vigueur, comme nous défendrons le démarrage demain de la zone franche ou d’autres activités sur le port.»
Pour Dider Quentin, il est possible de tirer du positif de ce projet et du débat qui en a découlé. «Nous avons pris conscience de la beauté et de la richesse naturelle de nos deux régions et surtout cela a permis aux deux rives de se rapprocher, d'imaginer des collaborations économiques mais aussi culturelles dans les mois à venir. Il faut absolument pérenniser ce mouvement populaire.»
Une maquette réaliste
Lors des réunions publiques, de nombreuses personnes se sont inquiétées de la proximité du terminal méthanier avec les habitations. Le collectif des deux rives a dénoncé, lui, l’inexactitude de la maquette présentée au Verdon. La commission particulière a fait réaliser des expertises. La première concernait la maquette. Un constat d’huissier, établi en présence de 4Gas et de l’association «Une pointe pour tous», a permis de donner les dimensions réelles des ouvrages par rapport au terrain naturel. Il s’est avéré que les cuves et le château d’eau étaient approximativement de la même hauteur, à 45 mètres. Certains avaient parlé de 54 mètres pour le château d’eau, ce n’était pas par rapport au terrain naturel. La maquette est donc restée en place et cela a permis de donner la hauteur réelle des éléments. Une seconde expertise a été réalisée pour calculer la distance qui sépare le premier réservoir de la première habitation (848 m) mais aussi de l'école (1 100 m).
Une aire marine protégée
Le 22 décembre, Jérôme Bignon, député de la Somme et président de l’agence des aires marines protégées, était présent à Royan et au Verdon. Il a répondu à l’invitation de son homologue charentais, Didier Quentin, et a déclaré que «tous les éléments militent pour qu’on mette en place une aire marine protégée». Une aire marine protégée (AMP) est une zone maritime où des mesures spécifiques sont mises en œuvre pour protéger le milieu marin. La France a affirmé récemment sa volonté de créer une dizaine d’AMP d’ici 2012. L’estuaire de la Gironde et les pertuis charentais ont, à ce titre, été retenus comme espaces prioritaires. En collaboration avec les usagers, l’aire marine protégée fixe un plan de gestion dont l’objectif est de favoriser la préservation de la biodiversité. Sa création n’est pas la sanctuarisation d’un lieu : les activités traditionnellement liées à l’estuaire (pêche, chasse) seront conservées. Un parc naturel marin n’exclut donc pas, a priori, toute activité ou toute industrie… Il permet de mieux raisonner les éventuels choix de développement afin de préserver l'environnement. Le collectif des deux rives «Une pointe pour tous» a lancé une pétition pour la création de cette aire marine protégée. Pour beaucoup, ce serait un coup de frein à l’installation du terminal méthanier. Mais lors de sa venue, Jérôme Bignon a insisté sur le fait que cette création, qui pourrait prendre la forme d’un parc naturel maritime, ne devait pas se faire contre le projet de 4Gas mais bel et bien pour le développement de l’estuaire. Propos repris par le député, Didier Quentin : «Cette aire est une idée intéressante qui doit être soutenue pour sa valeur et non contre le terminal méthanier.»